Sunday, February 14, 2010

2008 / ..., Creditcrunch got me but not the confirmation of the European Commission #33


Avant de passer au vote d’investiture de la nouvelle Commission européenne le 9 février dernier, les présidents de partis du Parlement européen se succèdent au micro pour présenter leur dernier commentaire; en gros, le soutien est conditionnel: la Commission doit avoir une vision plus ambitieuse de l’UE.


Les représentants de la Commission présents dans l’hémicycle écoutent poliment; tout le monde attend la fin de ce qui n’est ce jour-là qu’une formalité avant que la Commission ne reçoive sa ‘légitimité démocratique’. Le déjeuner est pour bientôt. Vient le tour du président du parti des Verts Daniel Cohn-Bendit et la matinée prend une autre tournure: prenant de court l’assemblée par sa verve, il tient un discours inattendu et politisé à l’égard de la Commission.


Pour mémoire, le parlement européen est élu au suffrage universel de tous les Etats-Membres depuis 1979; sur ce fondement de representativité, il n’a eu de cesse de faire bouger les lignes de pouvoir partagé par l’UE. Néanmoins, le personnel politique fait rarement et spontanément de cette assemblée un lieu d’ambition: la scène politique nationale, plus historique et plus brillante, a encore logiquement les préférences.


La politisation de l’UE pourrait être entendue comme la réintroduction des idées et, surtout, des responsabilités politiques dans les débats techniques. Cette politisation a peiné à émerger auprès du parlement européen et a tenu à des personnalités fortes mais rares, Ana Palacio (1994-2002), Jean-Louis Bourlanges (1989-2007) pour ne citer qu’elles.


Cette politisation a toutefois eu ses lauriers sur lesquels se reposer: la déchéance en 1999 de la Commission présidée par Jacques Santer (notamment pour népotisme), le refus en 2009 d’adopter la directive relative au temps de travail faute d’un accord pour limiter le temps de travail hebdomadaire à 48 heures.


Mais le reproche d’une absence de ‘scène politique européenne’ a pu perdurer grâce à une paresse - réelle - de la presse à rapporter l’activité européenne et grâce à cette absence de politisation de la vie de l’UE, laissant trop souvent l’Europe là où la Commission et le Conseil l’avaient trouvée: dans un savant technocratisme.


Autant dire qu’au moment de leur investiture le 9 février dernier, la Commission européenne s’est présentée après le petit-déjeuner devant les députés européens en attendant que le ronronnement habituel des soit-disants tribuns conclut le vote d’ores et déjà connu comme positif.


La configuration avait pourtant changé.


D’abord, les députés européens élus en juin dernier sont de moins en moins de seconds couteaux; le déplacement de l’épicentre politique des capitales nationales à Bruxelles est désormais une situation reconnue.


Pour prendre un exemple, la présidence du groupe Libéral du parlement est confié à l’ancien premier ministre belge Guy Verhofstad (pressenti un temps pour être ‘président de l’UE’ en 2009 ni pour être désigné président de la Commission en 2004 mais qui s’est distingué lors de la rédaction de la Constitution de l’Europe). Fort de ce déplacement de l’épicentre politique, Daniel Cohn-Bendit n’a eu de cesse durant son précédent mandat d’élu européen d’appeler à une ‘politisation’ de l’activité parlementaire.


M. Verhofstad résume cela en affirmant: «Nous entrons dans un régime parlementaire» (pour la première fois ce nouveau Parlement a exigé de M. Barroso qu’il présente un programme de gouvernement avant de l’investir comme président de la Commission européenne).


Parallèlement les Etats ont encore décidé de confier de leadership de l’UE à des personnalités qui se distinguent par leur discrétion; la plus récente illustration étant la nomination de Mme Catherine Ashton aux postes de vice-présidente de la Commission et de haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères qui se donne pour programme « une diplomatie discrète » et la nécessité de « promouvoir la paix » mais qui a tardé à réagir au séisme meurtrier d’Haïti.


Si bien que lorsque le président du groupe des Verts prend la parole avant le vote d’investiture et commet un discours qui n’est ni de gauche ni de droite, ni écolo ni social, mais simplement de nature politique, il faut prendre soin de lire les visages des deux personnes objet de ses invectives.


Car, rhéteur ou acteur, le président du groupe des Verts met du coeur et s’essouffle: ça ne ronronne plus dans les tribunes.


En substance, il regrette d’abord que les récentes critiques de ses collègues du Parlement européen à l’égard de M. Barroso aient été de pure forme et que finalement la nouvelle Commission soit avalisée: il dénonce une «véritable coalition des hypocrites» entre les trois plus grands groupes politiques du Parlement (conservateurs, sociaux-démocrates et libéraux); «Juste avant la Saint-Valentin, on dit à Manuel Barroso 'Je t'aime, moi non plus», «on ne te croit pas mais on va voter pour toi».


Puis il regrette la composition de cette nouvelle Commission. Il estime qu’elle n’est «pas à la hauteur des enjeux» et qu’ainsi l’UE manque de leadership (ce faisant, il partage de nombreux avis dont ceux du Financial Times). Il s’en explique, plutôt longuement.


Le président reconduit de la Commission, M. José Manuel Durão Barroso, qui sait être souriant et donner une apparence joviale quand il le faut, finit par se fermer devant ce discours et crisper ses machoires d’homme en chair. M. Barroso n’est pas né de la dernière pluie et est même un habitué des coups de pattes de l’hémicycle européen (après tout le Parlement européen a déjà une première fois refusé d’investir la Commission qu’il présidait en 2004) ou des chefs d’Etats (Jacques Chirac lui aurait imposé le retrait de la directive sur les services dite ‘Bolkestein’); la lettre du désaccord était jusque-là feutrée en public.


Cette fois-ci M. Cohn-Bendit n’a pas pris de gants:


«la plupart des commissaires proposés n’avaient ni détermination ni vision ni ambition»; «Quelle a été l’initiative de la Commission face à la crise en Grèce?»; «Où est l’initiative de la Commission pour régler le problème de Chypre pour qu’enfin le P.I.B. de la Grèce soit soulagé de ce conflit?»; «je voudrais que la Commission (...) nous dise pourquoi elle a raté le coup»(à Copenhague) «pourquoi l’Europe n’a pas été un ‘global player’». M. Barroso n’a pas dû prendre une telle avoinée depuis sa lointaine époque scolaire.


La baronesse Ashton n’en revient pas non plus. Le velours euro-bruxellois des déclarations en glose abstraite est un souvenir ce matin du 9 février. Après des minutes de mise en cause ad nominem elle quitte son sourire gêné et ose - sans décroiser les bras bloqués sur elle- un mouvement: regardant la tribune parlementaire elle fait un léger signe de tête de protestation. On a vu des mis en cause plus indignés. En boxe on appelle ça être groggy. Il lui a été signifiée que rien n’était gratuit dans ce bas-monde de l’UE et que la «réserve» dont elle a fait preuve jusqu’à présent se paye comptant devant l’hémicycle parlementaire.


Si Daniel Cohn-Bendit avait voulu donner le la et souligné auprès des commissaires européens ce qu’allait être la nouvelle mandature parlementaire des cinq prochaines années, il ne se serait pas pris autrement. A l’heure des détresses économiques grecques et espagnoles dans la zone euro, la Banque Centrale Européenne qui doit aussi rendre compte de ses actes devant l’assemblée européenne serait bien inspirée de s’en rappeler.


I.Kipbustin, Andy Warhol & the e-Factory


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