Saturday, May 29, 2010

Je mets la lumière dans mes peintures qui n'existe pas dans mon pays #41

- Cher docte heurt, j’ignore encore ce qui m’a échappé. Jusque-là je pensai avoir tout réussi. Je réglais rubis sur l’ongle propre mes factures usuraires.
- Bien.
- Je ne sortais pas sans la preuve intrusive de la ma carte d’identité biométrique. J’obéissais aux surveillances vidéo-camérées. Je laissais un pourboire aux serveurs de Paris.
- Bravo.
- Je rigolais avec mon patron en soie et caféine, je faisais rire ma secrétaire en lin et théine.
- Bon.
- Je respectais les caprices de ma femme, j’acceptais le droit au bonheur électro-ludique de mon rejeton lobotomisé. J’acquiesçais une fois sur deux aux opinons du chauffeur de taxi.
- Vous m’intéressez.
- J'écoutais les synthèses de l'académicien Max Gallo comme si elles étaient novatrices. Je fis respectueusement la queue de l’iPad. Prenais à chaque fois en pitié l’ukrainienne qui serait battue si elle manquait de clients après moi.
- C'est entendu.
- Puis sans raison apparente, je me rebelle: dans l’avion, au-dessus de Taipei, en apercevant le plateau-repas que la serveuse de l’air à quatre épingles tente de me coincer, j’ai peur devant les couleurs, je me sens insulté devant le plastique, ma propre valeur que ce miroir me tend m'inquiète, je m’esclaffe, dis nerveusement à la serveuse de l'air qu’elle peut se le garder son miroir et que je comprends mieux la réaction des pirates de l’air de ce vol du neuf septembre deux mille un.
- Ah.
- A l’arrivée, le Tazer™ et la vidéo-camérisation occupaient le tarmac de mon accueil. Désormais la honte habite ma fille et ma femme.
- En effet, votre réaction a été déplacée. Sachez - et méditez là-dessus - que vous n’êtes pas seul cette semaine dans ce cas mais il y a clairement bernique sous gouemon. Bon. Maintenant j’ai du lien social à nouer avec les miroirs stimulants de mon club de tennis, reprenons tout cela la semaine prochaine, même heure. C’est deux cent euros. Non non, en cash s’il vous plaît.
- Merci docte heurt.
(En sortant de son cabinet, je tombe sur l’ode murale à l’aventurier Corto Maltese, gigantesque de l’autre côté du canal, sorte de Gulliver se reposant de ses péripéties contre les maisons des lecteurs de Liliput. La fresque m’assomma. Vaste déchet de l’adulterie que le bourgmestre de Bruxelles tint à étaler sur la nostalgie pragmatique de tout à chacun. Le souvenir de son flegme me désempara. Je pleurai le plus discrètement du monde, admis l’inadmissible, pointai au commissariat puis récupérai ma fille à côté du lycée pour ne pas la gêner. Deux cent euros, ça me sembla cher mais je n’en fus pas si sûr.) (Sans Urgence, Bruxelles, 2010).

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